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LA COMÉDIE

dans lequel les passions germent le plus facilement. Ce caractère ne peut guère s’amuser que par les beaux arts. C’est ainsi qu’il me semble que l’Italie a produit et ses grands artistes et leurs admirateurs qui en les aimant et payant leurs ouvrages les font naître.

Cela explique bien leur amour pour la musique qui soulage la mélancolie et qu’un homme vif et sanguin, tel que Mallein, ne peut aimer de passion puisqu’elle ne le soulage de rien, et ne lui donne habituellement aucune jouissance vive.

Tout cela est assez conforme à la théorie qui fait naître les beaux-arts de l’ennui[1]. Je mettrais [à] la place du mot ennui, le mot mélancolie qui suppose tendresse dans l’âme. L’ennui de nos Français que les choses de sentiment n’ont jamais rendus ni très heureux ni très malheureux, et dont les plus grands chagrins sont des malheurs de vanité, se dissipe par la conversation où la vanité qui est leur passion dominante trouve à chaque instant l’occasion de briller, ou par le fonds de ce qu’on dit ou par la manière de le dire. La conversation est pour eux un jeu, une mine d’événements. La conversation française telle qu’on peut l’entendre tous les jours

  1. Elvezio. — Ennui d’un homme tendre toujours mêlé de regrets.