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DU COMIQUE DE SHAKSPEARE[1]




La gaîté folle et charmante des jeunes filles n’est pas la même chose que le Rire. Pour la jeune fille folâtre, chaque sensation est un nouveau plaisir et excite une surprise agréable qui fait naître le Sous Rire. Si elles sont plusieurs, le Rire devient un effet nerveux et elles s’enivrent de leurs propres cris. Shakspeare nous présente des personnages animés de cette gaîté du bonheur, tel est Gratiano, tel est Jessica[2].

Loin de rire d’eux nous sympathisons avec un état si délicieux. Pour faire naître cette douce illusion, il emploie souvent l’artifice de Métastase. En ce sens il est tout naturel qu’une âme tendre qui ne se laisse pas rebuter par l’ignoble, préfère le Roi de Cocagne au Misanthrope. Les justes sujets de plainte d’Alceste sont le

  1. Cette note sur le comique de Shakspeare a été relevée sur les notes manuscrites du Molière de 1812. N. D. L. É.
  2. The Merchant of Venice.