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MOLIÈRE

Ce qui fait rire dans le reste de la scène, c’est le désappointement de vanité que reçoit l’Avare, désappointement qui serait bien plus grand si l’Avare était le comte de Barral[1]. Le pot de chambre jeté avec une manche de livrée, la seringue pour tirer le bouillon, la malle pleine de bougies.

Le comte de Barral surpris dans l’action de tirer le bouillon avec une seringue est vraiment comique parce que la vanité est en souffrance. Au lieu du comte, vous mettez M. Gérard, un plat apothicaire de la Grande Rue, le comique diminue beaucoup : où l’on voit que Molière a manqué le principal moyen de rendre l’Avare comique, c’est de le montrer obligé à un certain faste. Notre comte de Barral était un homme d’infiniment d’esprit et fort aimable[2].

  1. Avare de qualité et homme d’esprit qui florissait à Grenoble, vers 1770, grand-père, je crois, de mon ami, le Vicomte.
  2. On trouve sur un autre manuscrit de Stendhal (R. 5896, tome 7) quelques lignes qui expriment les mêmes idées et s’appuient sur les mêmes exemples. Stendhal voulant le 13 août 1811 reconstituer un recueil de faits comme ceux qu’autrefois il avait rassemblés sous le nom de Filosofia nova, ébaucha pour ce recueil une sorte de préface dont quelques lignes annoncent déjà les idées qu’il devait codifier en 1813 dans ses écrits plus systématiques sur Molière et la comédie :

    « Nous connaissons l’homme en général, mais quelles sont les bornes précises de la charge et du naturel dans les imitations théâtrales ? Nous ne pouvons en juger avec certitude. Chaque jour il nous arrive de rencontrer dans la rue un exemple qui nous paraîtrait une exagération du théâtre.