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MOLIÈRE

TARTUFFE
Je tâte votre habit : l’étoffe en est moelleuse.


Les Français sont bien heureux que cela ait paru avant leur siècle de bégueulisme.


TARTUFFE (maniant le fichu d’Elmire).

Mon Dieu ! que de ce point l’ouvrage est merveilleux !
On travaille aujourd’hui d’un air miraculeux
Jamais, en toute chose, on a vu si bien faire.


Tartuffe, malgré tout son esprit, est timide. Molière passe ici à côté d’une imperfection que Mys[elf] ne saurait pas éviter. À force de sublimer son Tartuffe, il se fut dit : « Un homme de beaucoup d’esprit qui ne croit à rien et qui s’exerce continuellement et avec le plus grand succès, à jouer la comédie, doit savoir parler à une femme, et n’être pas assez timide pour chercher à séduire une femme honnête en commençant par des caresses ; cette manière ne peut tout au plus convenir qu’à un très beau jeune homme de dix-huit ans. »

Ce raisonnement est juste, mais à force de diezer un la on en fait un si, et il change de nature. Molière voulant jouer les hypocrites, il fallait que Tartuffe conservât un de leurs traits les plus distinctifs, mal-