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avec une petite ville telle que La Charité, c’est qu’à Paris on voit tout à travers le journal, tandis que le bourgeois de La Charité voit par ses yeux, et de plus examine avec une profonde curiosité ce qui se passe dans sa ville.

À Paris, la foule est-elle rassemblée au bout de la rue, ma première idée est que cette foule va salir mon pantalon blanc, et m’obliger à rentrer chez moi. Si je vois une figure un peu civilisée, je m’informe de la cause de tout ce bruit.

— C’est un voleur, me dit-on, qui vient de sauter par une fenêtre avec une pendule sous son bras.

Bon ! me dis-je, demain je verrai le détail dans la Gazette des Tribunaux.

Voilà un des grands malheurs de Paris, et bien plus, un des grands malheurs de la civilisation, un des plus sérieux obstacles à l’augmentation du bonheur des hommes par leur réunion sur un point. Cette réunion n’a d’avantage que du côté politique ; elle nuit aux arts et aux lettres : voici comment. Un bon médecin n’est plus connu par les cures qu’il fait dans la ville ; pour avoir des malades, il est obligé de faire le charlatan dans le journal. Il donne des soins à la famille du directeur de ce journal, et lui fournit le fond de l’article à sa gloire, que l’autre polit et arrange.