Page:Stendhal - Mémoires d’un touriste, I, 1929, éd. Martineau.djvu/491

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
452
MÉMOIRES D’UN TOURISTE

de vingt francs pour les communes, trois pages amusantes, il fera tomber les trois quarts des journaux de province. Ce serait un grand mal, selon moi.

Un provincial est toujours un peu moins arriéré et un peu moins envieux au moment où il vient de lire un journal ; c’est le contraire du Parisien, que le journal hébète. Je ne me suis donc laissé aller à l’idée d’écrire cette rêverie que bien convaincu qu’aucun gouvernement ne renoncera jamais au plaisir de lire, imprimées tous les matins, les louanges des ordres qu’il a signés la veille. Il se figure que d’autres que lui les lisent, il ne voit pas qu’il alimente par là les journaux de l’opposition. Sans ses apologies explicatives, ceux-ci seraient obligés de faire eux-mêmes l’exposition de la pièce à jouer devant le public. Or, toute exposition exacte est horriblement difficile avec les Français actuels. La dose d’attention que les lecteurs accordent à une phrase imprimée a bien diminué depuis que les auteurs ne relisent plus les phrases qu’ils envoient à l’impression.


J’avais bien recommandé à l’hôtel qu’on m’éveillât à quatre heures et demie du matin afin de ne pas manquer le bateau à vapeur qui part pour Nantes. J’étais effrayé par l’histoire lamentable de toute