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LE JOURNAL

quefois il y joint de la gaucherie. Littérairement parlant, il fait de vains efforts pour sortir de l’insipidité la plus nauséabonde. C’est tout simple. Sur toutes les questions, il a peur d’en dire trop ou trop peu ; il tremble devant son préfet qui lui-même tremble tous les matins en ouvrant son Moniteur. J’ai vu dans les plus petites communes le moment où le piéton apporte ce journal de la préfecture ; les gros propriétaires, payant cent francs d’impositions, sont réunis au café, et se croient obligés de croire exactement le contraire de ce que leur fait prêcher M. le préfet. Je racontais, dans un bourg du Nivernais, un fait qui s’était passé sous mes yeux, deux mois auparavant, à Langres. On m’a objecté fort sérieusement que ma version de ce fait se trouvait imprimée dans le journal de la préfecture de l’avant-veille. À ce mot tous les yeux, même des yeux du juste-milieu, m’ont regardé avec méfiance : je n’ai eu pour moi que les gens qui me connaissent de Paris.

Le gouvernement pourrait demander à tous ses agents à l’intérieur et à l’extérieur[1] de lui écrire des nouvelles les 1er , 10 et 20 de chaque mois ; ces rapports se-

  1. Édition originale : « ses agents à l’extérieur… » Je corrige d’après l’erratum de l’exemplaire Primoli et l’édition de 1854. N. D. L. É.