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UNE ADJUDICATION

à toutes les autres ; on craint d’ennuyer en cherchant à soulever contre elles l’opinion publique.

Tout le monde parle des bénéfices qui se font sur les adjudications des grands ouvrages que le gouvernement fait exécuter ; mais peu de personnes ont des idées nettes sur cet objet. On croit ou on ne croit pas aux voleries, suivant qu’on est ami ou ennemi du gouvernement. Quant à moi, je me tiens pour ami très sincère du gouvernement du roi, et je crois très sincèrement aussi aux voleries sans nombre. Ce n’est pas l’argent que je regrette, c’est l’habitude de la friponnerie.

Comme je ne veux pas parler de ce qui se passe en France, je vais raconter ce qui a eu lieu dernièrement dans un État voisin.

En avant d’un bourg nommé Givry, il y avait une montée abominable, maudite de tous les voyageurs. Le fonctionnaire, que nous appellerions en France ingénieur en chef, fit un projet de rectification : la dépense fut approuvée par l’autorité centrale ; elle s’élevait à 70,000 francs, et l’on devait mettre la main à l’œuvre au commencement de 1836.

En septembre 1835, on s’occupa de l’adjudication des travaux, qui devaient avoir lieu six mois plus tard. Le préfet était