Page:Stendhal - Mémoires d’un touriste, I, 1929, éd. Martineau.djvu/472

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
433
TOURS

— De la Touraine, le 23 juin.

Ce n’est qu’aujourd’hui, et par hasard, que j’ai appris la suite d’une aventure qui m’intéresse fort. Un vieil agent d’affaires est venu me compter 220 francs qui m’étaient dus par une jeune veuve, jolie et fort riche, presque mon amie, et à laquelle j’avais l’honneur d’envoyer de Paris des robes et des chapeaux. Madame Saint-Chély était blonde et faite à peindre, comme on dit ici. Elle avait des bras devant lesquels Canove se fût extasié. Pour moi, j’admirais surtout une délicatesse d’âme qui devient plus rare tous les jours. Madame Saint-Chély avait la bonté de croire que je devinais ce qui pouvait convenir à une femme de vingt-neuf ou trente ans, blonde, et peut-être un peu trop grande (ce sont ses paroles dans une de ses lettres).

Je la trouvai préoccupée, il y a dix mois, à mon dernier passage. Depuis, après avoir vendu la moitié de ses propriétés, elle est partie brusquement pour l’Espagne ; et son homme d’affaires n’a reçu depuis son départ que deux lettres portant la date de Cadix, mais qui arrivent par l’Angleterre.

J’avais vu chez madame Saint-Chély un M. Mass…, grand escogriffe, montant