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CHÂTILLON-SUR-INDRE

soixante pieds d’élévation. Tout cela est revêtu de lierres magnifiques. Mais il faisait tellement chaud que je ne me suis pas senti le courage de monter sur les tours. Après avoir examiné la vue que l’on a du château, j’ai regagné avec empressement l’auberge, où j’avais remarqué une salle à manger sombre, si ce n’est fraîche.

Je me disposais à lire en déjeunant, lorsque j’ai aperçu vis-à-vis de moi, un grand homme sec. Il avait le nez aquilin, des favoris blancs et la figure la plus noble. Je ne me serais pas représenté sous des traits plus imposants un des braves chevaliers, compagnons de Henri IV. Les manières simples de mon compagnon de table répondaient parfaitement à la noblesse de ses traits ; le ton de sa voix était rempli de mesure, et les choses qu’il disait sages et intéressantes. Nous parlions de ce qui peut intéresser un voyageur, et, par exemple, des habitudes sociales des Français actuels comparées avec les usages qui régnaient il y a une trentaine d’années.

Ce monsieur aux traits si nobles est sans doute l’homme le plus remarquable que j’aie rencontré dans mon voyage. Il m’a dit, sur la fin du déjeuner, qu’il est marchand colporteur de tissus de soie ; son quartier général est à Lyon, où il