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MÉMOIRES D’UN TOURISTE

vendit Avignon au pape Clément VI, moyennant quatre-vingt mille florins d’or : les épingles du marché furent une petite absolution pour le meurtre de son premier mari, et la reine oublia de demander au pape les quatre-vingt mille florins d’or.

Louis XIV, qui eut une fermeté admirable envers l’étranger, s’empara deux fois d’Avignon, en 1662 et 1668 ; Louis XV suivit cet exemple un siècle plus tard, en 1768 ; enfin l’assemblée constituante réunit Avignon à la France en 1790. Les méchants prétendent que le caractère des habitants offre encore quelques traces de la domination italienne : la Glacière, le maréchal Brune.

Le seul homme bien vêtu auquel j’ai parlé m’a dit d’un air dolent que, par l’effet de l’affreuse révolution française, le pays avait perdu des trésors en tableaux et en monuments : c’est ce que je me garde bien de croire ; je me souviens de la description d’Avignon, en 1739, que donne l’aimable président de Brosses[1] ; les meilleurs tableaux étaient de Mignard et de Parrocel.

Je rencontre beaucoup de vieux soldats : il y a ici une succursale de l’Hôtel des Invalides. Rien de plus judicieux. Le trésor d’un homme de soixante ans, peu

  1. L’Italie il y a cent ans, tome I, p. 330, édition de M. Colomb.