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MÉMOIRES D’UN TOURISTE

basilique romaine garnie d’ornements gothiques. La façade fut élevée par Paul V (Borghèse), le même pape qui, à Rome, eut la gloire de finir Saint-Pierre et de placer son nom sur le frontispice. On monte de la ville à la cathédrale par un long escalier. Le porche est une copie de l’antique[1], fort singulière et peut-être unique. On peut le supposer élevé avant les invasions des Sarrasins qui désolèrent la Provence ; il présente des détails de construction fort curieux à observer.

Entre le porche et la nef, je me suis longtemps arrêté à voir d’admirables restes de fresques. Quelle franchise ! quel naturel ! Comme cela est l’antipode de nos académies ! Quelle force ! Je le dis à regret, c’est le contraire de la peinture actuelle, comme je le faisais observer il n’y a qu’un moment : c’est encore le style de d’Aubigné et de Saint-Simon, comparé aux phrases à effet de M. de Chateaubriand.

J’oubliais, en écrivant ceci, les batailles d’Eugène Delacroix qui eussent émerveillé Giotto[2].

  1. L’exemplaire Bucci porte ici cette note manuscrite de Stendhal : « Le porche est le roi du style roman, la plus belle imitation de l’architecture romaine par les barbares. Il est simple, chose incroyable ! Un jeune barbare non compliqué. » N. D. L. É.
  2. Stendhal, sur l’exemplaire Bucci, ajoute ceci : « et la fenêtre de Giotto à la chapelle du Saint-Office ». N. D. L. É.