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LE MISTRAL

là le grand drawback de tous les plaisirs que l’on peut rencontrer en Provence.

Strabon appelle ce vent terrible mélanborée, bise noire ; c’est encore le nom que lui donnent les Dauphinois : mais en Provence on l’appelle mistral. Strabon et Diodore de Sicile assurent que sa violence est telle qu’il enlève les pierres et renverse les chars. Il n’y a pas quinze jours, qu’en passant le pont de Beaucaire, la diligence a été obligée de se faire soutenir par huit hommes se pendant à des cordes attachées sur l’impériale. Elle avait la perspective de tomber dans le Rhône.

Le vent du nord rencontre la longue vallée de ce fleuve qui est nord et sud ; elle remplit l’office du bout d’un soufflet de cheminée et redouble sa force. Quand le mistral règne en Provence, on ne sait où se réfugier : à la vérité, il fait un beau soleil, mais un vent froid et insupportable pénètre dans les appartements les mieux fermés, et agace les nerfs de façon à donner de l’humeur sans cause au plus intrépide[1].

N’ayant point de chez moi à Avignon, je me réfugie dans la fort curieuse cathédrale Notre-Dame-des-Dons (ou des Domns, de Dominis). Elle occupe le sommet du rocher de ce nom ; l’intérieur a l’air d’une

  1. Dans ces cas-là, je trouve que les anciens prenaient des bains d’huile. Pline, lib. XXIX.