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LETTRES DE PÉTRARQUE

j’ai un avantage, je ne suis pas payé pour avoir les opinions que j’écris.

Pétrarque s’indigne beaucoup en latin ; mais de quoi s’indigne-t-il ? Rien n’est plus clair, au contraire, que les admirables contes un peu lestes, intitulés Il Pecorone, presque contemporains de Pétrarque. La langue italienne a toujours marché vers le plat et le commun depuis cette époque d’énergie ; elle a imité Cicéron, être fort plat. Le bel italien d’aujourd’hui, c’est le style de M. Lémontey, comparé à celui des Mémoires de d’Aubigné ou de Saint-Simon. Les pensées sont plus élégantes, plus variées, plus savamment enchaînées sans doute ; mais aucune pensée n’est rendue avec la même force ; mais l’on voit un auteur qui tremble pour les hardiesses de son style et qui oublie de penser ; mais le serpent de l’ennui est caché sous ces fleurs[1].

La vue qu’on a du haut du rocher des Dons est l’une des plus belles vues de France[2] : à l’est, on découvre les Alpes de la Provence et du Dauphiné, et le mont Ventoux ; à l’ouest, on suit une grande

  1. Le français académique fait un grand pas vers les abstractions au nominatif : ainsi périt la langue latine. Voir la savante histoire de J.-J. Ampère, ou lire Ausone et Salvien.
  2. L’édition originale porte : « … est sinon très belle, du moins fort étendue… » Je corrige d’après l’erratum de l’exemplaire Primoli et l’édition de 1854. N. D. L. É.