Page:Stendhal - Mémoires d’un touriste, I, 1929, éd. Martineau.djvu/379

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
340
MÉMOIRES D’UN TOURISTE

Les hommes adroits et puissants qui composaient la cour d’Avignon n’avaient aucun besoin de gêner ou de dissimuler leurs passions : car dans ce siècle là, on avait des passions. Ce qui, à mes yeux, est une grande justification pour les cruautés et injustices.

De plus, on était bien loin encore des temps de Luther et de Voltaire[1].

Je me suis rappelé ces lettres latines de Pétrarque où il parle à cœur ouvert de ce qui se passait dans le palais d’Avignon aux temps brillants de cette cour. Rien de plus curieux : mais le latin est obscur. Il faut convenir qu’il s’agit d’actions fort différentes de celles qui occupaient Rome du temps de Cicéron, dont Pétrarque copie le style tant qu’il peut[2].

Nous voyons dans ces lettres un homme d’esprit fort âgé et revêtu d’une éminente dignité, qui, pour achever de séduire une jeune fille de quatorze ans, se met sur la tête une barrette rouge. Malheureusement, rien n’est moins clair et précis que la langue latine, à quoi j’entends les savants répondre que je suis un ignorant. Peut-être avons-nous raison des deux côtés ; mais

  1. Voir de Potter, Histoire du Christianisme, le seul livre de nos jours qui, traitant un sujet si délicat, ose n’être point à la mode ; c’est un trésor de vérités mal en ordre. Voir aussi Muratori, qui souvent a peur.
  2. Levati, Voyages de Pétrarque. Milan, 1818.