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MÉMOIRES D’UN TOURISTE

et bien en prit à l’antipape Benoît XIII (Pierre de Luna), qui y soutint un siège fort prolongé contre le maréchal Boucicaut. Ce palais est étrangement ruiné aujourd’hui ; il sert de caserne, et les soldats détachent du mur et vendent aux bourgeois les têtes peintes à fresque par Giotto. Malgré tant de dégradations, il élève encore ses tours massives à une grande hauteur. Je remarque qu’il est construit avec toute la méfiance italienne ; l’intérieur est aussi bien fortifié contre l’ennemi qui aurait pénétré dans les cours, que l’extérieur contre l’ennemi qui occuperait les dehors.

C’est avec le plus vif intérêt que j’ai parcouru tous les étages de cette forteresse singulière. J’ai vu le pal (nommé veille) sur lequel l’inquisition faisait asseoir l’impie qui ne voulait pas confesser son crime, et les têtes charmantes, restes des fresques du Giotto.

Les contours rouges du dessin primitif sont encore visibles sur le mur.

Ce n’est pas un blasphème de penser que si Giotto fût né en 1483 au lieu de 1276, il eût peut-être égalé Raphaël. Le foyer intérieur était de la même force ; il eût été plus grandiose et moins gracieux.

Vers le sud-est une partie de la ville