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VAISON

d’après mes conseils, il avait lu Tite-Live[1]. C’est ce qui fait que je suis touché de ce désespoir, qu’ont fait naître mes phrases sur l’Italie.

Le mistral ayant un peu cessé, j’ai sacrifié un jour à mon ami ; et, comme il a un cabriolet fort léger, nous avons parcouru sans encombre les chemins affreux qui conduisent à Vaison.

La ville moderne ne nous a guère intéressés ; cependant elle est toute bâtie de fragments antiques, les pierres tumulaires servent de seuil aux portes. Ce qui nous touche, c’est le sol de l’ancienne ville qui était située au-delà de l’Ouvèze, rivière rapide et encaissée qui descend en grondant des Alpes du Dauphiné.

Dans les dernières années du douzième siècle, les comtes de Toulouse mirent Vaison à feu et à sang. Les malheureux habitants cherchèrent un asile sur une montagne voisine, où ils pouvaient se défendre, et dont le sommet est occupé maintenant par leur cathédrale moderne.

L’enchantement de mon ami a commencé au pont sur la rivière, qui est romain, et dont l’arche unique a bien soixante pied

  1. Malgré certains petits esprit, qui ont mis des échasses à quatre ou cinq idées que M. de Beaufort publia en 1738, il y a juste un siècle, Tite-Live est encore la meilleure préparation à un voyage en Italie. Je cite de mémoire.