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MÉMOIRES D’UN TOURISTE

détails sur la prospérité de la France, et surtout des départements situés au nord de la ligne de Besançon à Nantes. Le Midi lui-même, si encroûté, commence à se réveiller. Alger renouvelle Marseille. Si cette grande ville vote contre le gouvernement actuel, le mérite en est au tribunal de la pénitence ; mais au fond elle n’est point mécontente.

Partout la noblesse économise et améliore ses champs ; c’est exactement le contraire de ce qu’elle faisait avant 1789.

Cette prospérité émerveillait un Anglais, homme de sens, avec lequel j’ai pris du thé hier soir, elle peut s’expliquer a priori.

Jamais l’histoire n’a présenté le spectacle d’un peuple qui, sur trente-trois millions d’habitants, compte cinq millions de propriétaires. Voilà ce qu’aucune contre-révolution ne peut détruire. Une armée russe camperait sur les hauteurs de Montmartre, qu’elle ne pourrait pas changer la distribution de la propriété.

Par la loi démocratique qui partage les successions, le nombre des propriétaires tend à s’augmenter à l’infini. En présence de ce fait, comment craindre le retour de 93, qui alarmerait tous les propriétaires ?

Songez que le paysan qui n’a qu’un arpent y tient beaucoup plus que le