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MODE DU GOTHIQUE

roi Louis XV à Metz. Comme si, dans les passions, l’on pouvait remonter ! Amour pour le gouvernement Dubarry !

L’étude du gothique conduit à la vénération pour le champ de gueule, et peut ramener la religion en France. Adorons donc le gothique, contemporain et témoin des grands exploits de nos ancêtres, et n’octroyons le nom de savants qu’aux écrivains prudents qui savent maudire Voltaire et se passionner pour le gothique. N’avez-vous pas entendu proclamer ce décret vers 1818 ?

Aux onzième et douzième siècles, les peuples qui habitaient l’Europe se prirent d’horreur pour la barbarie d’où ils sortaient, et furent saisis de la passion de bâtir, les prêtres surtout. Comme nos ancêtres connaissaient la peur plus que l’amour, ils étaient peu sensibles à la grâce ; ils ne cherchèrent donc point à faire quelque chose de simple et de sublime comme un temple antique.

Mais les prêtres, disposant de milliers d’ouvriers qu’on payait avec une indulgence, purent faire des édifices plus grands. L’architecture fut d’abord timide en 1050. En 1200 elle chercha à étonner. (C’est en 1200 que le gothique succède au roman.)

Quant aux statues à mettre dans ces édifices, ces pauvres Barbares ne pouvaient