Page:Stendhal - Mémoires d’un touriste, I, 1929, éd. Martineau.djvu/302

Cette page n’a pas encore été corrigée

il y aurait des cris, etc., etc. La mode viendrait de faire sauter la cervelle à qui veut vous arrêter.

Je viens d’entendre ce soir, en me promenant sur les bords de la Saône, un chant provençal, doux, gai, admirable d’originalité. C’étaient deux matelots marseillais qui chantaient en partie, avec une femme de leur pays. Rien ne montre mieux la distance qu’il y a de Paris à Marseille. L’esprit du Français comprend tout admirablement, et en musique le porte à exécuter des difficultés ; mais, comme il manque absolument du sentiment musical qui consiste à avoir horreur de tout ce qui est dur, et à suivre le rhythme, il se délecte à entendre la musique atroce que je vois applaudir à Lyon.

Un peuple qui peut entendre de telles choses avec plaisir peut se vanter d’occuper une position tout à fait distinguée ; non seulement il ne goûte pas le bon, mais il aime le mauvais. En musique le Français n’a d’instinct que pour les contredanses, les valses et les airs militaires. De plus, son esprit le porte à applaudir la difficulté vaincue. Depuis quelques années, il a jugé convenable à sa vanité d’avoir de l’enthousiasme pour Rossini, et ensuite pour Beethoven. J’en conviens, les combinaisons de cette harmonie savante