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tifications élevées sur la rive gauche du Rhône, vis-à-vis la Croix-Rousse, et la bravoure reconnue des habitants rendrait ce faubourg imprenable, si jamais le roi de Sardaigne venait l’assiéger.

On ne s’attendait guère
À voir le nom du roi venir en cette affaire.

Mais croirait-on qu’il y a des gens, à Lyon, qui veulent faire de ce prince un épouvantail pour leurs concitoyens ?

Anecdote déchirante ce matin.

Le malheur de cette ville, le voici : on se marie beaucoup trop à la légère. Le mariage, au dix-neuvième siècle, est un luxe, et un grand luxe ; il faut être fort riche pour se le permettre. Et puis, quelle manie de créer des misérables ! Car enfin le fils d’un bourgeois, d’un monsieur, comme on dit à Lyon, ne se fera jamais menuisier ou bottier. Tant que l’empereur a fait la guerre, on a pu se livrer sans grands inconvénients à ce goût patriarcal d’avoir des enfants ; mais, depuis 1815, donner un état à un jeune homme de seize ans n’est pas une petite affaire, et cet embarras des pères de famille peut fort bien devenir un embarras sérieux pour le gouvernement.

Le plus simple serait d’avoir des prêtres qui fissent un péché de cette manie d’ap-