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comme si cette chose nommée la mort n’existait pas. Mais, ce qui est drôle, on pense qu’il est comme M. de Caylus : il n’a point d’âme. C’est ce qui le rend impayable. On verra peu après la preuve de cette grande vérité.

L’idéal de la vie pour Saint-Vernange, c’est d’assister à un souper gai, avec du vin de Champagne, des femmes aimables et des hommes d’esprit qui font des contes.

Quand Saint-Vemange obtint la croix, il s’appelait Picardin. Naturellement, il a douze cents francs de rente, et il vivotait avec un petit emploi de cent louis dans les bureaux d’une des municipalités de Paris, quand il rencontra Brémont dans un duel. Ils se plurent. Brémont voulait souper trois ou quatre fois la semaine, Picardin arrangeait les soupers. Ce nom parut ridicule à Brémont, et son ami s’appela Saint-Vernange.

Dans une partie de plaisir à la Malmaison, je crois, un roulier insolent cherche à écorcher la calèche neuve de Brémont. Saint-Vernange saute à terre, esquive les coups de fouet du roulier, et le rosse au point de lui faire demander grâce. Saint-Vernange était un admirable professeur de savate, et n’en avait jamais parlé. À déjeuner, Saint-Vernange avait