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de pierre, des voûtes, des ponts, etc., etc. : tout cela est presque aussi bien que les dessins de l’école Polytechnique. Je demande d’où viennent ces dessins étonnants, on m’apprend qu’ils sortent de l’école des frères ignorantins.

J’ai supposé d’abord qu’il y avait ici quelque ruse, mais le triomphe de ces messieurs est bien plus réel. Un négociant de Lyon, qui avait le même soupçon que moi, a demandé la copie d’un beau dessin représentant un des ponts suspendus que les frères Séguin viennent de construire sur le Rhône. Un enfant de quatorze ans, élève des frères, a rendu, huit jours après, une copie magnifique, et le dessin original n’a été ni piqué ni calqué. Le fait est qu’il y a ici un frère ignorantin qui enseigne la géométrie descriptive comme on peut le faire dans les meilleurs collèges de Paris.

Pour six mille six cents francs, on a onze frères, qui enseignent onze cents enfants, par conséquent, chaque enfant coûte six francs à la ville, et encore souvent les frères fournissent l’encre, le papier, les plumes et les livres aux plus pauvres de ces enfants. (Il doit y avoir des frais énormes.)

L’école d’enseignement mutuel ne saurait lutter contre la passion qui anime