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de l’admirer : le vulgaire s’étonnerait tout au plus de la grosse somme qu’on a dépensée.

Les Romains furent obligés de faire remonter l’eau trois fois ; ils se servirent de tuyaux de plomb, en forme de siphon renversé. L’aqueduc suivait la pente d’une colline, jusqu’à ce qu’il fût parvenu assez bas pour qu’on pût bâtir commodément un pont. Arrivée au côté opposé, l’eau remontait. Les Romains ont passé ainsi trois vallons, ceux de Garon, qui est très profond, de Baunan et de Saint-Irenée ; il y avait quatorze ponts-aqueducs. On voit encore soixante-deux arcades d’un de ces ponts qui en avait quatre-vingt-dix.

La maçonnerie est faite avec de petits morceaux de pierres, jetés dans un bain de mortier où la chaux n’était point épargnée. Ainsi que dans la campagne de Rome, ces aqueducs, qui sont cependant une chose bien simple, produisent sur l’âme un effet prodigieux. À Rome leurs longues files s’étendent dans une plaine parfaitement nue ; ici ils sont accompagnés de coteaux tapissés de la plus fraîche verdure : voir le chemin vers Chaponost. Si l’on s’avance de quelques centaines de pas, on a, d’une de ces hauteurs, une vue admirable des montagnes de la Suisse.