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duire de niaiserie égoïste, de petitesse et d’aigreur dissimulée par la crainte de ne pas gagner, me semble résumé par le mot canut ; les Lyonnais eux-mêmes l’appliquent aux basses classes de leur ville. Or le caractère du bas peuple, dans les pays où la vanité ne pose pas une barrière infranchissable, comme à Paris, forme bien vite le caractère des classes élevées. Cet ensemble d’habitudes et de manières de voir qui vous émerveille dans votre enfant, et que vous appelez son caractère, lui est donné d’abord par sa nourrice et ensuite par la société des domestiques. Daignez remarquer que votre enfant est toujours esclave en votre présence ; avec les domestiques, il reconquiert l’égalité, que dis-je ? il est supérieur. Or nul être au monde n’aime la supériorité comme un enfant. Aussi, voyez avec quel épanouissement de cœur un gamin de sept ans court à l’antichambre ou à l’écurie dès qu’il a un moment de liberté. Les parents les plus subjugués sont obligés d’en venir à une défense formelle.

La révolution française a élevé le caractère des domestiques ; beaucoup ont été soldats ou estiment ce noble métier : depuis peu, les caisses d’épargne leur donnent des habitudes de raison ; aussi les enfants ne sont-ils plus exposés à