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significatifs ; il ne doute pas que son sage patron n’ait quelque amourette en tête. Plût à Dieu !

Je voudrais être éperdument amoureux et réaimé de la plus laide paysanne qui soit sur le bateau ! C’est dire beaucoup.

Mais, hélas ? je ne me suis embarqué que parce que l’on m’a dit (ce correspondant dont je parlais naguère, qui ne possédait pas dix mille francs en 1830, eu en a plus de deux cent mille en 1837), que parce que l’on m’a dit que les bords de la Saône rappellent ceux du Guadalquivir, et sont charmants de Trévoux à Lyon.

En fait de beau, chaque homme a sa demi-aune : ce qui est beau pour mon voisin est souvent fort plat pour moi ; et ce qui est beau pour moi à ses yeux est extravagant. Je me méfie beaucoup de ce genre de renseignements, surtout donnés par un Français. On appelle beau, parmi nous, ce qui est vanté dans le journal, ou ce qui est fertile et produit beaucoup d’argent.

Après Châlon (le dôme de l’hôpital, bâti en 1528, fait un assez bon effet de loin), le bateau à vapeur glisse au milieu d’immenses prairies trop fréquemment inondées par les eaux de la Saône, rivière qui semble dormir. Ces flots me rappellent