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l’atmosphère de préjugés qui l’environne par la raison profonde, et Bordeaux par les saillies de l’esprit. On sait lire dans la patrie de Montesquieu et dans celle de Barnave.

Mais, même en négligeant l’effet que le gouvernement produit sur les sept ou huit grandes divisions caractéristiques de la France, il faudrait passer un an au moins dans chacune de ces divisions pour les connaître même médiocrement, et encore faudrait-il y être préfet ou procureur général.

Ce qui rend cette étude infiniment plus difficile pour nous autres habitants de Paris, c’est que rien ne nous prépare ici à ce qui existe en province. Paris est une république. L’homme qui a de quoi vivre et qui ne demande rien ne rencontre jamais le gouvernement. Qui songe parmi nous à s’enquérir du caractère de M. le préfet ?

Il y a plus : le ministère donne-t-il la croix à un sot bien notoirement inepte, nous rions à Paris : et il n’y aurait pas à rire si la croix était donnée au mieux méritant : le ministère prend soin de nos plaisirs. En province, on s’indigne à un LeI spectacle, on se désaffectionne profondément. Le provincial ne sait pas encore que tout en ce monde est une comédie.