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je ne me suis arrêté qu’une heure à Dijon, le temps qu’il faut pour monter sur la vieille tour de l’ancien palais de ces ducs de Bourgogne que M. de Barante mit à la mode il y a quelques années. Cette tour carrée fut achevée sous Jean-sans-Peur. Il la fit considérablement exhausser lors de ses démêlés avec les Orléanais. Il voulait découvrir de loin le plat pays et se garantir des surprises.

On remarque à la clef de la voûte le rabot que ce prince prit pour devise, lorsque le duc d’Orléans (qu’il fit assassiner plus tard) choisit pour la sienne un bâton chargé de nœuds.

L’homme qui me montrait la tour, et qui a de l’esprit comme tous les Dijonnais, m’a offert obligeamment de me faire voir le musée, quoiqu’il ne fut que cinq heures et demie du matin.

Dans ce musée, au milieu de beaucoup de médiocrités, j’ai rencontré soixante-dix petites figures de marbre, hautes tout au plus d’un pied ; ce sont des moines de différents ordres. L’expression de la peur de l’enfer, de la résignation et du mépris pour les choses de la terre y est vraiment admirable. Plusieurs de ces moines ont la tête cachée par leur capuchon rabattu, et les mains dans leurs manches : le nu ne s’aperçoit point, et malgré cela ces figures