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madame de Pompadour, de la Contemporaine, de Fleury, etc, etc., où l’on voit des gens qui gagnent beaucoup d’argent, et dont la vie s’embellit quelquefois par de jolies soirées libertines. Ils croient à l’existence d’une madame de Créquy. La Peau de Chagrin, de M. de Balzac, a fait fureur. Ils trouvent froid tout de qui est écrit en style simple, et le néologisme est pour eux le comble de l’esprit.

Ce qu’il y a de plus distingué parmi les jeunes gens de café lit le Mémorial de Sainte-Hélène, et se montre fou de l’empereur. Ne voit-on pas Napoléon donner une dotation de 80.000 livres de rente au général Marchand, qui s’est bien conduit à Eylau ? Au fond, les fortunes rapides élevées par le caprice d’un roi conviennent beaucoup mieux aux espérances folles des républicains actuels, que les fortunes raisonnables qui peuvent se faire dans un gouvernement bien réglé.

Ranville me console un peu en ajoutant : — Nous arrivons à un siècle où l’on n’écoutera plus que l’homme qui aura des opinions individuelles. On ne voit déjà plus que les demi-sots, les paresseux ou les timides répéter les opinions à la mode.

Quelle belle solitude que celle d’un jeune homme de Semur ou de Moulins, pour se former une opinion sienne sur cinq