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mais encore contre toutes les niaiseries qu’ils s’imaginent être de leur intérêt.

Je suis allé avec M. R… à la sous-préfecture.

L’ingénieur en chef avait fait un plan de route excellent ; ce plan fut déposé il y a trois ans dans cette sous-préfecture, avec un grand livre de papier blanc, destiné à recevoir les objections. Je venais pour lire ces objections ; il faut avouer qu’elles sont à mourir de rire. Le préfet a nommé une commission pour les juger ; mais, pour ne pas désobliger deux membres du conseil général du département, habitant dans le pays, il les a placés dans cette commission. Il faut savoir que dans les provinces le conseil général est pour le préfet à peu près ce qu’est à Paris la chambre des députés pour les ministres : on s’en moque fort en paroles, mais il faut les séduire.

Ces deux membres du conseil général n’ont pas voulu désobliger les électeurs dont ils disposent, ni leurs parents. La société, qui se réunit dans les cabarets du pays, s’est prononcée fortement contre le plan de l’ingénieur en chef, qui n’avait d’autre mérite que d’être raisonnable. Il supprimait une montée abominable, contre laquelle ces mêmes paysans crient depuis trente ans.