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on les reconduit doucement vers la porte. Les pauvres notaires, ne trouvant rien à dire, descendent une seconde fois.

Mais à peine sont-ils à cent pas de la maison, que M. Blanc dit à son collègue :

— Nous sommes tombés là dans une bien fâcheuse affaire ; mais si nous ne prenons pas un parti, nous nous ferons des reproches pendant le reste de nos jours, il s’agit ici d’un capital de plus de quatre-vingt mille francs, dont le fils absent est dépouillé.

— Mais nous verrons nos études tomber à rien, dit le second notaire ; si cette femme se met à nous persécuter, elle nous fera passer pour des fripons.

Toutefois, à mesure que le temps s’écoule, les remords deviennent plus poignants, et enfin les notaires sont tellement tourmentés qu’ils ont le courage de remonter.

Il paraît qu’on épiait leurs démarches par la fenêtre. Cette fois ils sont reçus par la fille du malade elle-même, femme de trente-cinq ans, célèbre par sa vertu et l’une des bonnes langues du pays. Elle entreprend les notaires, leur coupe la parole quand ils cherchent à s’expliquer, se rend maîtresse de la conversation, et à la fin, quand ils veulent parler absolument, se met à fondre en larmes et à pérorer sur les vertus de l’excellent père qu’elle est menacée de perdre. Les notaires