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ŒUVRES DE STENDHAL.

ce petit lac. Un grain, au fond d’une gorge, fait naître un courant d’air contraire au premier ; de là, combat de vagues et tempête fort incommode pour ces petites barques qui ont le fond plat ; il serait bien simple de leur adapter une quille d’un pied ou dix-huit pouces, attachée au fond du bateau par des gonds, repliée contre ce fond, et à laquelle on donnerait une position verticale, au moyen de quatre petites chaînes, dès qu’on serait en pleine mer.

On m’a beaucoup parlé à l’auberge d’Aix de la fameuse tempête essuyée par l’impératrice Joséphine[1], qui avait voulu visiter l’église gothique et les tombeaux de Haute-Combe. L’impératrice eut assez d’esprit pour montrer beaucoup de courage ; mais plusieurs de ses dames, qui n’avaient pas les mêmes motifs de grandeur d’âme, étaient encore évanouies de peur lorsque le bateau toucha au port, et on fut obligé de les transporter à leurs chambres d’auberge dans cet état de pâmoison.

On m’a dit hier au bal que, dans un an peut-être, on aura un petit bateau à vapeur sur ce lac. Une compagnie s’est formée à Lyon pour mettre sur le Rhône un bateau à vapeur qui remontera ce fleuve jusqu’au point où il ressort de terre. Dans la saison des eaux, ce bateau s’élancera dans un canal déjà existant, et entrera triomphant dans le lac du Bourget. Le défaut de ce lac, c’est que les montagnes qui lui servent de perspective sont tout à fait déboisées ; il y a seulement quelques arbres autour de l’abbaye de Haute-Combe.

Je ne sais si je dois répéter une anecdote qui court dans tous les recueils, mais qui vient de se renouveler à Aix.

Mon ami d’hier a amené ici un aide de camp qui est assez malade ; il lui a cherché une chambre solitaire et loin du bruit ; on lui a trouvé une maison à un seul étage, et qui encore est inhabitée, du moins en apparence. La maladie du jeune homme ayant augmenté, on a voulu avoir deux ou trois chambres au

  1. Dans le mois de juillet 1810.