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tous mes sentiments de respect et d’affection durable, sincère et éternel, et sois assuré, quoique ne nous tutoyant pas au delà de la soirée, que tu auras toujours en moi le plus dévoué serviteur. »

Amanda Moulin.


— Bourges, le 20 juin 1857.

Je vais faire un aveu qui n’est guère gentleman like, et qui m’ôtera bien des sympathies : je viens d’avoir le plaisir de me séparer de ma calèche et de mon domestique, un ami que j’ai rencontré aux forges du Nivernais se sert de la calèche jusqu’à Paris.

J’ai été élevé à voyager comme un simple commis du commerce dans les malles-postes et en diligence, et j’éprouve un sentiment dont je soupçonne l’existence : c’est que parmi les agréments de la vie, ceux-là seulement dont on jouissait à vingt-cinq ans sont en possession de plaire toujours.

Retournant à Paris, mon ami me conduit à la Charité, et c’est là que j’ai le plaisir vif de prendre une place pour Bourges dans la plus modeste des diligences de province.

[1]Je dirai au voyageur tenté de m’imiter, que le sac de nuit le plus léger suffit pour faire la tournée de Tours, Nantes, Vannes, Carnac, Lorient, Rennes, Dol, Saint-Malo, Avranches, Coutances, le Havre et Rouen.

Cette partie de mon voyage, exécutée de diligence en diligence, par bateau à vapeur, et sans faire de visite à qui que ce soit, attendu que je n’avais point d’habit en ma possession, a été de bien loin la plus agréable.

Rencontrant dans les diligences et aux tables d’hôtes des gens actifs occupés à faire leur fortune, et de petits propriétaires fort alertes sur leurs intérêts, j’étais beaucoup plus près de la vérité sur tous les objets qui excitent leur attention et la mienne.

  1. Ajouté plus tard au Havre.