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ŒUVRES DE STENDHAL.

cent ! qu’importe ce que devient l’entreprise ? Le fondateur, homme de hardiesse, a réalisé son bénéfice. On vient en cinq heures et demie du Havre à Rouen par les bateaux à vapeur : à quoi bon un chemin de fer ? On pourra, si l’on veut, faire un chemin de fer de Rouen à Paris. Je ne sais si les voyageurs de Calais à Paris sont en assez grand nombre pour payer leur chemin ; mais où trouver des gens raisonnables pour discuter ces questions et bien d’autres ? La dernière Chambre, si respectable d’ailleurs, a prouvé qu’elle était totalement incapable.

Mon correspondant de Lyon m’a donné une belle étude du chemin de fer de Lyon à Marseille par M. Kermaingan, inspecteur général des ponts et chaussées : c’est avec la carte fort bien exécutée, qui accompagne ce projet, que je voyage maintenant.

Pour exprimer avec netteté une idée qui me vient, je suis obligé d’employer quelques noms propres. J’en demande pardon aux intéressés.

Les talents de M. Kermaingan sont aussi incontestables que sa probité ; on peut en dire autant de M. Vallée, chargé de l’étude du chemin de fer de Paris à Bruxelles, et de M. Polonceau, qui a étudié le chemin de fer de Paris au Havre par les vallées.

On pourrait adjoindre à ces trois ingénieurs trois négociants nommés au scrutin par le commerce de Paris et un savant du premier ordre, tel que M. Arago. En interrogeant une commission formée de sept personnes, on pourrait espérer d’arriver à quelque chose de vrai. Mais que faire, si les réponses de cette commission trop respectable contrarient la mode à laquelle le pouvoir voudrait obéir dans le moment ? Le cardinal de Richelieu ne recommande-t-il pas d’employer dans la monarchie le moins d’hommes vertueux qu’il se pourra ?

(Je ne change rien à ces lignes, écrites avant que le gouvernement s’occupât de cette question.)

Le grand malheur des chemins de fer, c’est qu’ils ne peuvent