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MÉMOIRES D’UN TOURISTE.

vrage Just, rebâtie en 1705. Dans tout ce quartier, jusqu’à la porte Saint-Irenée, ou trouve des bancs et des bornes carrées qui proviennent évidemment de l’ancien Lugdunum ; ce sont des autels, des pierres tumulaires, etc., etc., dont plusieurs ont été repiquées. On se croirait dans une rue de Rome du côté des Sept salles. J’ai remarqué dans la rue des Anges une inscription latine dont voici la traduction : « Aux mânes de Camilla Augustilla qui a vécu trente-cinq ans et cinq jours, et de laquelle aucun des siens n’a jamais reçu de peine, si ce n’est par sa mort. Silenius Reginus, son frère, à sa sœur très-chérie, etc. » Saint Irenée, évêque et même écrivain célèbre[1], souffrit le martyre à Lyon, au lieu où nous sommes, avec dix-neuf mille chrétiens. Le sang s’éleva sur cette montagne jusqu’au premier étage des maisons, j’en ai vu la marque.

L’église de Saint-Irenée a été si souvent renouvelée et en dernier lieu si impitoyablement badigeonnée, suivant la coutume de l’art en province, qu’elle ne dit rien à l’âme et n’offre aucun intérêt à la curiosité. Oserai-je dire que les dévots, frappés de la prononciation de ce nom, Sain-Tirené, n’entrent dans l’église qu’en se tenant le nez pour se préserver de quelque espièglerie céleste ?

Enfin, je suis arrivé aux aqueducs romains, au-dessus de la porte Saint-Irenée. On voit d’abord six arcades ; il y avait l’aqueduc Pila et l’aqueduc du Mont-d’Or.

La longueur de l’aqueduc Pila était d’environ treize lieues, quoique, à vol d’oiseau, le point de réunion des eaux près de Saint-Chamond ne soit qu’à huit lieues de Lyon. La contrée depuis Saint-Chamond étant coupée par plusieurs vallées profondes, l’architecture romaine, dépourvue de tant de découvertes mo-

    vrage les gravures de tous les monuments curieux. Voir la carte publiée par M. Artaud. Les caves de Fourvières sont remplies de substructions romaines.

  1. M. Ampère explique fort bien tous les écrivains de ces premiers siècles. Là commence notre littérature.