Page:Stendhal - Lucien Leuwen, III, 1929, éd. Martineau.djvu/366

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en prison un journaliste, ils les trouvent belles, convenables, gouvernementales. Ils ne pensent pas que celui qui les signe n’est qu’un fripon. Mais un sot comme moi, affligé de cette délicatesse, j’ai tout le déboire du métier sans aucune de ses jouissances. Je fais sans goût des choses que je trouve à la fois déshonorantes et stupides. Et tôt ou tard ces paroles aimables que je me dis ici, j’aurai le plaisir de me les entendre adresser tout haut et en public, ce qui ne laissera pas d’être flatteur. Car enfin, à moins que l’excès de l’esprit ne tue, comme disent les bonnes femmes, je n’ai que vingt-quatre ans, et, en conscience ce château de cartes de friponneries éhontées, combien peut-il durer ! Cinq ans ? Dix ans ? Vingt ans ? Probablement pas dix ans. Quand j’en aurai quarante à peine, et qu’il y aura réaction contre ces fripons-ci, mon rôle sera le dernier des rôles, le fouet de la satire, poursuivit-il avec un sourire plein d’amertume, me vilipendera pour des péchés qui, pour moi, n’ont pas été aimables.

_____________Si vous vous damnez,
Damnez-vous [donc] au moins pour des péchés aimables !

Desbacs, au contraire, jouera le beau