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et pure moralité de faire des promesses et ensuite de ne les pas tenir avec religion. » Elle ajouta avec humeur : Cela ne m’irait point du tout.

[Madame Grandet se moquait de son mari et ne sentait pas toute la portée du ridicule qu’elle exprimait.]

— Eh bien ! oui, répondit M. Grandet avec humeur, M. Leuwen a tout crédit pour le moment. Ses quolibets à la tribune séduisent tout le monde. Déjà, pour le goût littéraire, je suis de l’avis de mon ami Viennet, de l’Académie française : nous sommes en pleine décadence. Le maréchal le porte, car il veut de l’argent avant tout et M. Leuwen, je ne sais en vérité pourquoi ni comment, est le représentant de la Bourse. Il amuse le vieux maréchal par ses calembredaines de mauvais ton. Il n’est pas difficile d’être aimable quand l’on se permet de tout dire. Le roi, malgré son goût exquis, souffre cet esprit de M. Leuwen. On dit que c’est lui uniquement qui a démoli le pauvre de Vaize, au Château, dans l’esprit du roi.

— Mais, en vérité, M. de Vaize à la tête des Arts, cela était trop plaisant. On lui propose un tableau de Rembrandt à acheter pour le Musée, il écrit en marge du rapport : « Me dire ce que M. Rembrandt a exposé au dernier salon. »