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— C’est ce que dit M. Grandet.

— Il a des vues assez justes ; mais, puisque vous me permettez le langage de l’amitié la plus intime, je vous avouerai que sans vous, madame, je n’eusse jamais songé à M. Grandet. Je vous le dirai brutalement : vous croyez-vous assez de crédit sur lui pour le diriger dans toutes les actions capitales de son ministère ? Il lui faut toute votre habileté pour ménager le maréchal (le ministre de la Guerre). Le roi veut l’armée, le maréchal peut seul l’administrer et la contenir. Or, il aime l’argent, il veut beaucoup d’argent, c’est au ministre des Finances à fournir cet argent. M. Grandet devra tenir la balance entre le maréchal et le ministre de l’argent, autrement il y a rupture. Par exemple, aujourd’hui les différends du maréchal avec le ministre des Finances ont amené vingt brouilles suivies de vingt raccommodements. L’aigreur des deux partis est arrivée au point de ne plus permettre de mettre en délibération les sujets les plus simples.

[L’argent est le nerf non seulement de la guerre, mais encore de l’espèce de paix armée dont nous jouissons depuis Juillet. Outre l’armée, indispensable contre les ouvriers, il faut donner des places à tout l’état-major de la bourgeoisie. Il y a là