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« Ainsi, se dit M. Leuwen en souriant intérieurement, on ne discute pas le prix, mais seulement la sûreté de la livraison de la chose vendue. »

M. Leuwen, du ton le plus intime et le plus sincère :

— Je suis trop heureux, madame, de voir se resserrer de plus en plus les liens de notre ancienne et bonne amitié. Ils doivent être intimes dorénavant, et pour les amener bientôt à ce degré de douce franchise et de parfaite ouverture de cœur, je vous prie de me permettre un langage exempt de tout vain déguisement… comme si déjà vous faisiez partie de la famille. »

Ici, M. Leuwen retint à grand’peine un coup d’œil malin.

— Ai-je besoin de vous demander une discrétion absolue ? Je ne vous cache pas un fait, que d’ailleurs votre esprit profond autant que juste aura deviné de reste : M. le comte de Vaize est aux écoutes. Une seule donnée, un seul fait que ce ministre pourrait recueillir par un de ses cent espions, par exemple par M. le marquis de G… ou M. R…, que bien vous connaissez, pourrait déranger toutes nos petites affaires. M. de Vaize voit le ministère lui échapper, et l’on ne peut lui refuser beaucoup d’activité : tous les jours il fait dix visites avant huit heures du matin. Cette heure