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est vrai, l’idée de la simplicité et du naturel, que ce que madame Grandet appelait de l’esprit brillant. Il fut beaucoup auprès d’elle ce soir-là.

Mais décidément sa présence gênait madame Grandet, car elle avait bien plus les théories que la pratique de la haute intrigue politique qui, du temps du cardinal de Retz, faisait la vie de tous les jours des Chevreuse et des Longueville. Elle congédia Lucien, mais avec un petit air d’empire et de bonne amitié qui augmenta le plaisir que celui-ci trouvait à se voir rendre sa liberté dès onze heures.

Pendant cette nuit, madame Grandet ne put presque pas dormir. Ce ne fut qu’au jour que le bonheur d’être la femme d’un ministre la laissa reposer. Elle eût été dans l’hôtel de la rue de Grenelle que ses sensations de bonheur eussent été à peine aussi violentes. C’était une femme attentive au réel de la vie.

Pendant cette nuit, elle eut cinq ou six petites contrariétés, par exemple elle calculait le nombre et le prix des livrées. Celle de M. Grandet était composée en partie de drap serin, lequel, malgré toutes ses recommandations, ne pouvait guère conserver sa fraîcheur plus d’un mois.