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fois, toute la Chambre éclata de rire, trois ou quatre fois, elle le couvrit de bravos. Comme la voix de M. Leuwen était très faible, on eût entendu, pendant qu’il parlait, voler une mouche dans la salle. Ce fut un succès comme ceux que l’aimable Andrieux obtenait jadis aux séances publiques de l’Académie. M. de Vaize s’agitait sur son banc et faisait signe tour à tour aux riches banquiers membres de la Chambre et amis de M. Leuwen. Il était furieux, il parla de duel à ses collègues.

— Contre une telle voix ? lui dit le ministre de la Guerre. L’odieux serait si exorbitant, si vous tuiez ce petit vieillard, qu’il retomberait sur le ministère tout entier.

Le succès de M. Leuwen passa toutes ses espérances. Son discours était le débordement d’un cœur ulcéré qui s’est retenu deux mois de suite et qui, pour parvenir à la vengeance, s’est dévoué à l’ennui le plus plat. Son discours, si l’on peut appeler ainsi une diatribe méchante, piquante, charmante, mais qui n’avait guère le sens commun, marqua la séance la plus agréable que la session eût offerte jusque-là. Personne ne put se faire écouter après qu’il fut descendu de la tribune.

Il n’était que quatre heures et demie ;