Page:Stendhal - Lucien Leuwen, III, 1929, éd. Martineau.djvu/144

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Le ministère sait tout, vos droits sont connus. J’ai besoin que vous me présentiez demain, à sept heures, à M. votre oncle, l’abbé Donis-Disjonval. Je désire que M. Donis-Disjonval me procure une entrevue avec M. Le Canu.

À cette étrange communication, le président pâlit beaucoup.

« Ses joues sont presque de la couleur de ses favoris », pensa Leuwen.

— Du reste, continua-t-il, j’ai ordre d’indemniser largement les amis du gouvernement des frais que je puis leur occasionner. Mais le temps presse. Je donnerais cent louis pour voir M. Le Canu une heure plus tôt.

« En prodiguant l’argent, pensa Leuwen, je vais donner une haute idée à cet homme du degré de confiance que Son Excellence le ministre daigne m’accorder. »

Nous sautons vingt feuilles du récit original, nous épargnons au lecteur les mièvreries d’un juge de province qui veut avoir la croix. Nous craindrions la reproduction de la sensation que les protestations de zèle et de dévouement du président produisirent chez Leuwen : le dégoût moral alla presque jusqu’au mal de cœur physique.

« Malheureuse France ! pensait-il. Je ne pensais pas que les juges en fussent là.