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— Le sujet de la querelle serait neuf, dit Lucien en souriant. Les rôles sont renversés, et…

— Oui, ce n’est pas mal. Voilà du petit esprit. Mais, en un mot comme en mille, il faut que vous preniez une grande passion pour mademoiselle Gosselin. Et n’allez pas lui donner votre argent, et puis vous sauver à cheval dans les bois de Meudon ou au diable, comme c’est votre noble habitude. Il s’agit de passer vos soirées avec elle, de lui donner tous vos moments, il s’agit d’en être fou.

— Fou de mademoiselle Gosselin !

— Le diable t’emporte ! Fou de mademoiselle Gosselin ou d’une autre, que m’importe ! Il faut que le public sache que tu as une maîtresse.

— Et, mon père, la raison de cet ordre si sévère ?

— Tu la sais fort bien. Et voilà que tu deviens de mauvaise foi en parlant avec ton père, et traitant de tes intérêts encore ! Que le diable t’emporte, et qu’après t’avoir emporté il ne te rapporte jamais ! Je suis sûr que si je passe deux mois sans te voir, je ne penserai plus à toi. Que n’es-tu resté à ton Nancy ! Cela t’allait fort bien, tu aurais été le digne héros de deux ou trois bégueules morales.