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de ce terroriste anglais. Enfin, pour comble de ridicule, il est ruiné et ne peut plus vivre dans le vouest ind (west end), c’est le quartier à la mode de Londres, car il a tout juste quatre mille livres de rente, c’est-à-dire cent mille francs.

— Et il les mange ici ?

— Non, il fait des économies malgré ses quatre dîners, et va de temps à autre à Paris manger son argent en fort mauvaise compagnie. Il prétend lui-même qu’il n’aime la bonne compagnie qu’en province. On dit qu’à Paris il parle ; ici, il nous fait bien l’honneur de passer toute une soirée sans desserrer les dents. Mais il perd toujours à tous les jeux, et je vous dirai un soupçon qui m’est venu, mais gardez-moi le secret : j’ai cru voir qu’il perd exprès. Il est homme à se dire : Je ne suis pas aimable, surtout pour les sots, eh bien ! je perdrai ! Les vieilles femmes de l’hôtel de Marcilly l’adorent.

— Pas mal en vérité !… Mais c’est vous qui lui prêtez de l’esprit. À présent que vous m’expliquez le personnage, il me semble que je l’ai vu chez madame de Serpierre. Je disais un jour que, quelque esprit qu’ait un Anglais, il a toujours l’air quand on le rencontre le matin de venir d’apprendre à l’instant même qu’il est compris dans une banqueroute ; made-