Page:Stendhal - Lucien Leuwen, II, 1929, éd. Martineau.djvu/141

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

elle ; mais, en vérité, je ne saurais vous parler en ce moment. »

Et ses yeux se remplirent de larmes. Elle se baissa beaucoup et regarda attentivement une gravure.

« Ah ! nous en sommes aux larmes ! » se dit madame d’Hocquincourt.

Leuwen était tout interdit, et se disait :

« Est-ce amour ? Est-ce haine ? Mais il me semble que ce n’est pas de l’indifférence. Raison de plus pour m’éclaircir, et en finir. »

— Vous me faites tellement peur que je n’ose vous répondre, lui dit-il d’un air en effet fort troublé.

— Et que pourriez-vous me dire ? reprit-elle avec hauteur.

— Que vous m’aimez, mon ange. Dites-le-moi, je n’en abuserai jamais.

Madame de Chasteller allait dire : « Eh bien ! oui, mais ayez pitié de moi », lorsque madame d’Hocquincourt, qui s’approchait rapidement frôla la table avec sa robe de toile anglaise toute raide d’apprêt, et ce fut par ce bruit seulement que madame de Chasteller s’aperçut de sa présence. Un dixième de seconde de plus, et elle répondait à Leuwen devant madame d’Hocquincourt.

« Dieu ! quelle horreur ! pensa-t-elle. Et à quelle infamie suis-je donc réservée