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Sa voix était presque étouffée par les larmes, et montrait tout l’excès de son trouble. Julien avait besoin de cet encouragement : il allait tenter une démarche qui pouvait tout décider contre lui ; et avant cette exclamation, n’y voyant point, il ignorait absolument l’effet qu’il parvenait à produire. Il n’hésita plus ; la crainte du remords lui donnait tout empire sur lui-même ; il ajouta froidement en se levant :

— Oui, madame, je vous quitte pour toujours, soyez heureuse ; adieu.

Il fit quelques pas vers la fenêtre ; déjà il l’ouvrait. Madame de Rênal s’élança vers lui et se précipita dans ses bras.

Ainsi, après trois heures de dialogue, Julien obtint ce qu’il avait désiré avec tant de passion pendant les deux premières. Un peu plus tôt arrivés, le retour aux sentiments tendres, l’éclipse des remords chez madame de Rênal eussent été un bonheur divin ; ainsi obtenus avec art, ce ne fut plus qu’un plaisir. Julien voulut absolument, contre les instances de son amie, allumer la veilleuse.

— Veux-tu donc, lui disait-il, qu’il ne me reste aucun souvenir de t’avoir vue ? L’amour qui est sans doute dans ces yeux charmants sera donc perdu pour moi ? la blancheur de cette jolie main me sera donc