Page:Stendhal - Le Rouge et le Noir, I, 1927, éd. Martineau.djvu/330

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— J’ai dix louis, répliqua Julien avec une certaine fierté.

— Ah ! bon Dieu, répondit la bonne hôtesse alarmée, ne parlez pas si haut ; il y a bien des mauvais sujets dans Besançon. On vous volera cela en moins de rien. Surtout n’entrez jamais dans les cafés, ils sont remplis de mauvais sujets.

— Vraiment ! dit Julien, à qui ce mot donnait à penser.

— Ne venez jamais que chez moi, je vous ferai faire du café. Rappelez-vous que vous trouverez toujours ici une amie et un bon dîner à vingt sols ; c’est parler ça, j’espère. Allez vous mettre à table, je vais vous servir moi-même.

— Je ne saurais manger, lui dit Julien, je suis trop ému, je vais entrer au séminaire en sortant de chez vous.

La bonne femme ne le laissa partir qu’après avoir empli ses poches de provisions. Enfin Julien s’achemina vers le lieu terrible ; l’hôtesse, de dessus sa porte, lui en indiquait la route.