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— Non, je ne reçois pas ainsi vos adieux. Je partirai ; ils le veulent ; vous le voulez vous-même. Mais, trois jours après mon départ, je reviendrai vous voir de nuit.

L’existence de madame de Rênal fut changée. Julien l’aimait donc bien puisque de lui-même il avait trouvé l’idée de la revoir ! Son affreuse douleur se changea en un des plus vifs mouvements de joie qu’elle eût éprouvés de sa vie. Tout lui devint facile. La certitude de revoir son ami ôtait à ces derniers moments tout ce qu’ils avaient de déchirant. Dès cet instant, la conduite, comme la physionomie de madame de Rênal, fut noble, ferme et parfaitement convenable.

M. de Rênal rentra bientôt ; il était hors de lui. Il parla enfin à sa femme de la lettre anonyme reçue deux mois auparavant.

— Je veux la porter au Casino, montrer à tous qu’elle est de cet infâme Valenod, que j’ai pris à la besace pour en faire un des plus riches bourgeois de Verrières. Je lui en ferai honte publiquement, et puis me battrai avec lui. Ceci est trop fort.

Je pourrais être veuve, grand Dieu ! pensa madame de Rênal. Mais presque au même instant, elle se dit : Si je n’empêche pas ce duel, comme certainement je le puis, je serai la meurtrière de mon mari.

Jamais elle n’avait ménagé sa vanité