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— Ah ! si je pouvais prendre sur moi ton péché, comme tu m’offrais si généreusement de prendre la fièvre ardente de Stanislas !

Cette grande crise morale changea la nature du sentiment qui unissait Julien à sa maîtresse. Son amour ne fut plus seulement de l’admiration pour la beauté, l’orgueil de la posséder.

Leur bonheur était désormais d’une nature bien supérieure, la flamme qui les dévorait fut plus intense. Ils avaient des transports pleins de folie. Leur bonheur eût paru plus grand aux yeux du monde. Mais ils ne retrouvèrent plus la sérénité délicieuse, la félicité sans nuages, le bonheur facile des premières époques de leurs amours, quand la seule crainte de madame de Rênal était de n’être pas assez aimée de Julien. Leur bonheur avait quelquefois la physionomie du crime.

Dans les moments les plus heureux et en apparence les plus tranquilles : — Ah ! grand Dieu ! je vois l’enfer, s’écriait tout à coup madame de Rênal, en serrant la main de Julien d’un mouvement convulsif. Quels supplices horribles ! je les ai bien mérités. Elle le serrait, s’attachant à lui comme le lierre à la muraille.

Julien essayait en vain de calmer cette âme agitée. Elle lui prenait la main, qu’elle couvrait de baisers. Puis, retombée dans