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le rouge et le noir

mieux à cheval que la plupart des jeunes gens de cette ville de montagnes. Il voyait dans les yeux des femmes qu’il était question de lui.

Ses épaulettes étaient plus brillantes, parce qu’elles étaient neuves. Son cheval se cabrait à chaque instant, il était au comble de la joie.

Son bonheur n’eut plus de bornes, lorsque, passant près du vieux rempart, le bruit de la petite pièce de canon fit sauter son cheval hors du rang. Par un grand hasard, il ne tomba pas, de ce moment il se sentit un héros. Il était officier d’ordonnance de Napoléon et chargeait une batterie.

Une personne était plus heureuse que lui. D’abord elle l’avait vu passer d’une des croisées de l’hôtel de ville ; montant ensuite en calèche, et faisant rapidement un grand détour, elle arriva à temps pour frémir quand son cheval l’emporta hors du rang. Enfin, sa calèche sortant au grand galop, par une autre porte de la ville, elle parvint à rejoindre la route par où le roi devait passer, et put suivre la garde d’honneur à vingt pas de distance, au milieu d’une noble poussière. Dix mille paysans crièrent : Vive le roi ! quand le maire eut l’honneur de haranguer Sa Majesté. Une heure après, lorsque, tous les discours